Photographique: Yun Leong
Quelque chose a changé en 2010. Deux villes qui avaient surmonté des obstacles aux potagers scolaires et à l’approvisionnement alimentaire local dans les classes se retrouvent désormais à établir des fermes dans l’enceinte scolaire. Ces fermes ont ajouté un outil éducatif et de production alimentaire de plus au casse-tête complexe du réseau De la ferme à l’école.
Certains se sont demandé si les fermes scolaires seraient un modèle économique viable et si elles régleraient les problèmes de distribution des achats auprès d’agriculteurs locaux. D’autres étaient curieux de voir si les fermes réussiraient à impliquer les jeunes et le personnel scolaire dans leur système alimentaire. À mesure que ces fermes dans les cours d’école prennent de l’expansion, on constate des succès remarquables dans le développement des compétences en éducation et en leadership. Les fermes scolaires ont également réussi à libérer le temps du personnel scolaire pour qu’il se concentre sur l’enseignement et le soutien aux élèves au lieu de l’entretien des potagers.
Toronto et Vancouver mènent la marche. Ces deux villes collaborent depuis longtemps en ce qui concerne l’alimentation scolaire et les systèmes alimentaires scolaires. Elles adoptent souvent les idées novatrices de chacune et s’adaptent à celles-ci, et les fermes dans les cours d’école ne sont qu’un exemple de plus de cet échange productif.
Katie German, coordonnatrice principale de School Grown auprès de FoodShare à Toronto, a travaillé avec de nombreux étudiants qui ont de la difficulté à se présenter à l’heure ou seulement aux cours pendant l’année scolaire, mais qui se montrent chaque jour à leur travail à la ferme, parfois même à 7 h 30.
School Grown est un projet d’agriculture dans les cours d’école qui relie les étudiants à des possibilités d’apprentissage intéressantes. Pendant l’année scolaire, les étudiants de Bendale et d’Eastdale participent à des opportunités d’apprentissage axées sur l’alimentation dans la classe et dans les champs. L’été, les étudiants sont embauchés (et payés!) pour travailler à temps plein. Ils prennent part à tous les aspects de la gestion agricole, allant de la planification, des semences et de l’offre d’ateliers à la vente de leurs récoltes aux marchés de producteurs agricoles.
Comme l’indique Katie German, leurs responsabilités aident à façonner une vision positive d’eux-mêmes : « Ils se présentent vraiment avec fierté comme des agriculteurs lorsque les gens arrivent à la tente ».
Voir des étudiants exceller pendant l’été aide à changer l’histoire au sujet de certains étudiants lorsqu’ils retournent à l’école en automne. Le personnel scolaire voit que ces étudiants peuvent s’épanouir lorsqu’on leur confie des responsabilités.
Les étudiants apprennent tout le travail que représente la culture des aliments qu’ils consomment. Comme l’a décrit un étudiant : « On apprend tellement, on ignorait en mangeant un aliment, tout le travail requis pour faire pousser. Juste un plant. Avec les tomates, il faut attacher les plants avec de la ficelle et vaporiser un truc à base d’huile d’algue sur ceux-ci, et enlever les branches de trop. C’est difficile. Je pense que cela vous fait respecter davantage la nourriture. »
Mme German raconte qu’il ne manque pas d’étudiants qui veulent faire partie de School Grown. Ils ont interviewé 35 étudiants ce printemps pour 14 postes. Ils aimeraient en prendre plus, mais il leur faudrait plus de personnel pour les encadrer et les superviser.
À Vancouver, la Fresh Roots Urban Farm Society a commencé à exploiter des fermes dans les cours d’école de la ville pour appuyer les enseignants. Ils avaient connu les effets bénéfiques de l’enseignement au grand air et de l’utilisation du potager comme classe en plein air, mais ils voulaient appuyer l’intendance de l’espace d’apprentissage extérieur.
La Fresh Roots Urban Farm Society a commencé à créer des fermes dans les cours d’école conçues comme des espaces d’apprentissage et des carrefours communautaires. Leurs deux fermes offrent des espaces multiples pour que 30 à 40 personnes s’y réunissent et apprennent, il est donc plus facile pour les enseignants de profiter des possibilités d’apprentissage qu’un potager procure. Grâce à leurs espaces d’apprentissage, ils ont vu les élèves du primaire tirer au poignet pour avoir les derniers bouquets de brocoli et les élèves du secondaire repenser l’orientation de leurs études pour inclure un changement relatif à ce que les gens mangent et à la provenance des aliments.
Lee Green, professeur d’arts culinaires chez David Thompson, dit que depuis la création de la ferme au printemps 2014 avec 360 bénévoles, l’une des plus grandes réussites est le nombre de classes qui passent du temps à l’extérieur. Les étudiants écrivent de la poésie dans le cours d’anglais, font des dessins de feuilles en art et analysent le sol en biologie.
Les étudiants participent même en dehors des heures de cours. La présence de la ferme a favorisé le renforcement de la participation au Club des carottes de David Thompson. Cette année, entre 40 et 50 étudiants gèrent leur potager scolaire, le composteur industriel et la serre, et ils aident également avec passion à la ferme. Dans toute la ville, des étudiants choisissent de présenter une demande au programme d’arts culinaires de M. Green par rapport à d’autres parce qu’ils voient l’importance d’avoir une ferme sur place et d’avoir accès à des agriculteurs dans leur apprentissage.
Les fermes dans les cours d’école ne sont toutefois pas une panacée. Dans un système où le dernier dollar est toujours généralement le plus important, les défis liés à l’établissement des prix sont encore là. La majorité des produits agricoles de School Grown et de la Fresh Roots Urban Farm Society sont vendus au grand public, y compris la communauté scolaire, au lieu des écoles elles-mêmes, puisque le budget accordé aux achats de produits agricoles scolaires est incroyablement limité.
À la cafétéria de l’école secondaire David Thompson, il n’y a qu’une poignée de légumes pour lesquels la Fresh Roots Urban Farm Society peut offrir des prix concurrentiels, donc elle s’assurera un approvisionnement constant de salades, de carottes, de radis et de navets ce printemps et cet automne.
Contrairement aux potagers scolaires habituels, la Fresh Roots Urban Farm Society et School Grown élaborent leurs plans agricoles pour générer des revenus, car l’objectif est que ces fermes atteignent le seuil de rentabilité en termes de coûts de production. Toutefois, ils savent tous deux que leurs ventes de produits agricoles ne couvriront jamais les coûts supplémentaires pour les programmes d’entrepreneuriat des jeunes, les événements communautaires et le soutien des étudiants et des enseignants. Ces activités dépendent encore du financement, un défi constant.
La Fresh Roots Urban Farm Society et School Grown offrent des ateliers pour le personnel scolaire sur la façon d’utiliser l’apprentissage lié à l’alimentation et à l’agriculture dans leur enseignement. Cette formation permet de s’assurer que le personnel est à l’aise avec tout, de la gestion de la classe dans le potager aux façons créatives d’établir des liens avec le programme d’études. Ces ateliers sont incroyablement populaires et réussissent à inspirer de nouvelles façons d’enseigner à l’extérieur; le défi consiste à trouver du financement pour couvrir les coûts.
Les fermes dans les cours d’école offrent des moyens facilement accessibles pour que les étudiants participent à leur système alimentaire. À court terme, elles ne résoudront probablement pas tous les défis liés à la distribution et à l’établissement des prix auxquels doivent faire face les écoles qui veulent acheter des aliments locaux et les agriculteurs qui veulent vendre leurs produits. Cependant, les écoles et les étudiants tissent certainement plus de liens avec leurs aliments, leurs agriculteurs, leur environnement extérieur et entre eux.
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