Inspiré du modèle du cercle d’apprentissage De la ferme à l’école, l’événement Let’s Gather! (« Rassemblons-nous! » en français) organisé en mars 2022 à Canmore, en Alberta, a encouragé les habitants de la Vallée de la Bow à créer des liens et à ouvrir le dialogue sur le thème des systèmes alimentaires locaux et résilients à travers l’angle de l’alimentation scolaire. Cet article présente les origines de l’événement, ce qui a été partagé et appris, et les prochaines étapes de la transformation de l’alimentation scolaire dans la Vallée de la Bow.
À propos de Vallée de la Bow
La Vallée de la Bow située en Alberta est plus connue pour ses sports d’hiver, son emplacement pittoresque niché dans les montagnes Rocheuses et sa courte saison de production que pour son environnement alimentaire local florissant! Cependant, cette situation est en train de changer grâce à un groupe d’habitants dévoués ainsi que des agriculteurs et des fournisseurs alimentaires locaux : la communauté est de plus en plus sensibilisée et intéressée par la promotion d’un système alimentaire local résilient qui soit socialement et écologiquement juste.
La ville de Canmore, la plus grande des nombreuses petites villes de la Vallée de la Bow, abrite une population d’environ 16 000 personnes, dont 17 % sont des enfants et des jeunes âgés de 0 à 19 ans (selon le recensement de 2021). La population n’a cessé de croître au cours de la dernière décennie. D’ailleurs, selon l’organisatrice de l’événement Avni Soma, outre sa croissance, la population semble également évoluer, devenant de plus en plus diversifiée avec davantage de fournisseurs alimentaires issus des minorités (noirs, autochtones et autres personnes de couleur). C’est l’attrait spirituel des montagnes qui a conduit Avni dans la région, un attrait discret mais puissant qui séduit également d’autres personnes selon elle.
Alimentation locale et sécurité alimentaire dans la Vallée de la Bow
Concernant les conditions de culture, selon le plan des zones de rusticité du Canada, la Vallée de la Bow se situe entre la zone 2 et la zone 3, ce qui signifie que les hivers peuvent occasionner les températures les plus froides du pays. Cependant, grâce aux techniques de couverture de rangées et de serres, la saison de production typique peut s’étendre d’avril à octobre, et de nombreux jardins scolaires et communautaires sont florissants. Par exemple, les communautés de Banff, Canmore et Exshaw ont des jardins communautaires actifs. Certaines organisations locales, comme la Canmore Community Gardening Society, fournissent un espace aux habitants pour qu’ils puissent cultiver leurs propres aliments. Outre le maraîchage, les habitants s’intéressent de plus en plus à la chasse et à la récolte d’aliments et de médicaments traditionnels qui poussent dans les espaces montagneux locaux, notamment les fraises et les oignons sauvages, le genévrier et d’autres baies, le cynorrhodon, l’épilobe à feuilles étroites, les pointes d’épicéa et bien d’autres choses encore.
La nécessité de soutenir un système alimentaire local robuste, résilient et accessible est accentuée par l’insécurité alimentaire présente dans la région. Canmore présente le salaire minimum le plus élevé de la province, de 37,40 $ par heure selon un rapport de 2021, et l’alimentation est la troisième dépense la plus importante des ménages. Selon un rapport de l’Alberta Health Services de 2015, les coûts alimentaires mensuels des ménages sont environ 8 % plus élevés que la moyenne provinciale.
Des organisations comme la Bow Valley Food Alliance (BVFA), qui regroupe des citoyens et des professionnels de la région engagés dans la sécurité alimentaire, s’efforcent de remédier à cette situation et de concrétiser la vision d’un système alimentaire communautaire qui favorise la santé et le bien-être des habitants pour les générations à venir. Le leadership de la BVFA a conduit à l’élaboration d’une charte, la Bow Valley Food Charter, qui définit la vision collective suivante : « (…) créer des systèmes alimentaires communautaires équitables et écologiquement régénératifs. Ce faisant, nous visons à renforcer la souveraineté alimentaire de toutes les communautés de la Vallée de la Bow, de Lake Louise à Banff, en passant par Canmore, le district municipal de Bighorn et la nation Îyârhe Nakoda. »
L’alimentation locale dans les écoles
Les écoles sont au cœur de nos communautés et constituent un endroit idéal pour catalyser une transformation plus large du système alimentaire. Avec un certain nombre de champions communautaires, comme la BVFA, et d’autres qui travaillent déjà à créer des opportunités d’éducation alimentaire et d’approvisionnement alimentaire local dans les écoles, la Vallée de la Bow est un endroit idéal pour un cercle d’apprentissage De la ferme à l’école, un processus coordonné pour construire, renforcer et étendre l’activité collective De la ferme à l’école au sein d’une communauté. Au cours des dix dernières années, l’organisation Alpine Edible School Yards a jeté des bases solides pour créer un lien entre les élèves et leur système alimentaire local. Cette ferme urbaine à but non lucratif (la première de Canmore) a commencé avec un quart d’acre sur le terrain de l’école, puis a rapidement suscité l’intérêt de la communauté scolaire. Elle a servi d’espace où les enseignants pouvaient proposer un apprentissage pratique aux élèves. Le responsable du projet, Christian Wright, mieux connu sous le nom de « Christian le fermier », a apporté son soutien au personnel enseignant en les aidant à établir des liens avec les programmes scolaires. Le projet s’est ensuite transformé en un poste à temps partiel pour Christian au sein du centre de services scolaire, afin de répondre à un besoin en matière d’éducation à l’alimentation.
Écoutez Christian parler de cette transition dans l’extrait ci-dessous :
« Il y a beaucoup de belles choses en place dans la Vallée de la Bow. Il s’agit simplement de les renforcer, d’avoir plus de leviers au sein de la communauté et de partager les compétences, qu’il s’agisse de jardinage ou de cuisine, ou de la question du climat, soit des moyens de prolonger la saison de production pendant l’année scolaire. » – Christian Wright, premier fermier de montagne de la Vallée de la Bow et enseignant pour l’organisation Alpine Edible School Yards
À l’hiver 2022, lorsque l’occasion s’est présentée de réunir les membres de la communauté autour du thème de l’alimentation scolaire, Avni Soma, active dans la communauté et engagée dans l’alimentation locale, a tenu à rassembler tout le monde autour de ce sujet. De là est né l’événement Let’s Gather!
Pour planifier l’événement, Avni a contacté un certain nombre de membres de la communauté scolaire et d’acteurs du système alimentaire de la région afin d’établir le programme. Tout au long de ce processus, plusieurs objectifs ont émergé et ont contribué à façonner l’événement, qu’il s’agisse du lieu, de la date, de l’ordre du jour ou des participants. Ces objectifs étaient les suivants :
- S’ancrer dans le temps et dans l’espace, en honorant les terres et les traditions de la nation Îyârhe Nakoda, ainsi que le changement des saisons.
- S’ouvrir aux membres de la communauté scolaire de toutes les écoles de la région. Des invitations ont été envoyées au Conseil Scolaire FrancoSud, à la commission scolaire des écoles catholiques, aux écoles publiques des Rocheuses canadiennes et à l’école communautaire de Morley, située dans la communauté de Stoney.
- Être à l’écoute des enfants. Après tout, qu’est-ce qu’une conversation sur l’alimentation scolaire dans une communauté sans ses jeunes?
- Offrir des possibilités de rencontres en personne. L’alimentation est un puissant lien, et après deux années de rupture des liens sociaux, quelle meilleure façon de se retrouver qu’autour d’un repas?
- Servir des aliments provenant de fournisseurs locaux. Discuter des systèmes alimentaires locaux, proposer des aliments qui soutiennent une diversité de traiteurs de la région était également une condition obligatoire.
- Offrir une opportunité de sensibilisation et de conversation pour susciter d’autres actions dans la communauté autour de l’alimentation scolaire et de la littératie alimentaire.
Résumé et impacts de l’événement
À l’approche du printemps, après plusieurs vagues de confinement dues à la pandémie de la COVID-19, la communauté a eu l’opportunité de se réunir en personne et de reprendre contact autour d’un repas et d’expériences partagées, et a manifesté son grand intérêt pour cette idée. L’événement Let’s Gather! a été organisé le 25 mars 2022 pour coïncider avec l’équinoxe de printemps. Les membres de la communauté ont été invités à participer à un événement de trois heures, en partie ou en totalité, qui a donné lieu à :
- Une conversation sur l’alimentation à l’école;
- La projection du film « Gather », un documentaire qui explore la lutte pour revitaliser les modes d’alimentation autochtones;
- Une conversation avec Sharon Firth, membre de la Première nation Gwich’in, survivante des pensionnats et ancienne membre de l’équipe féminine de ski de fond du Canada.
L’événement avait lieu dans l’espace communautaire artsPlace à Canmore, et 80 billets ont été vendus : 25 participants ont assisté au dialogue sur l’alimentation à l’école et 65 se sont joints à la projection du documentaire et à la conversation avec Sharon Firth. Une grande diversité de personnes ont ainsi contribué à la journée, incluant des membres de minorités ethniques, des familles (y compris des enfants de moins de 10 ans), des parents, des enseignants, des administrateurs du milieu scolaire, des chefs cuisiniers, des agriculteurs urbains et bien d’autres encore membres de la communauté.
Lauren Kepkiewicz, chercheuse et habitante de la Vallée de la Bow, dont les travaux portent sur la souveraineté alimentaire dans les communautés en milieu de montagne, a prononcé le discours d’ouverture. Lauren se sert de l’alimentation comme d’une loupe pour comprendre les relations entre les personnes et les lieux. Cela inclut la façon dont différentes communautés peuvent construire des alliances au-delà des différences, remettent en question les structures d’oppression et s’efforcent de créer des changements transformateurs dans le système alimentaire.
« (…) l’alimentation a joué un rôle dans la colonisation des terres et des nations autochtones. Nous savons que des expériences sur la faim ont été menées sur des enfants dans les pensionnats, nous savons que les politiques agricoles coloniales ont été conçues pour confiner les nations autochtones dans des réserves et que ces politiques ont été conçues spécifiquement et intentionnellement à ces fins. Mais en même temps, l’alimentation et l’éducation ont été utilisées par les nations autochtones pour réaffirmer leurs modes de vie, d’apprentissage et d’existence. C’est ce que l’on voit dans les mouvements de souveraineté alimentaire autochtones, dans les programmes d’apprentissage autochtones axés sur la terre et dans le transfert intergénérationnel des connaissances au sein des communautés autochtones du monde entier. »
Écoutez l’intégralité de la reconnaissance territoriale par la Dr Kepkiewicz lors de l’événement (4:58 min).