Ce que nous avons retenu : table ronde des agriculteur(trice)s sur l’alimentation scolaire en Ontario

Le 4 mars 2024, quatre étudiants du programme de recherche aux cycles supérieurs Arrel Food de l’Université de Guelph ont recruté 13 agriculteur(trice)s de l’Ontario afin de discuter de l’approvisionnement local et de la logistique associée dans les écoles ontariennes. Cet événement a été organisé par De la ferme à la Cafétéria Canada dans le cadre d’un partenariat entre le milieu académique et le secteur communautaire. Cette publication a été rédigée par l’équipe d’étudiant(e)s et offre un résumé de l’événement, incluant des limites et des opportunités identifiées, et énonce des suggestions d’étapes à franchir afin de combler le fossé entre les agriculteur(trice)s de l’Ontario et les écoles.

Résumé de l’événement

Servir des aliments locaux dans les écoles est un objectif partagé auprès de nombreux distributeurs alimentaires dans le milieu scolaire, d’agriculteur(trice)s et d’autres membres de la communauté. Cependant, la majorité des programmes d’alimentation scolaire en Ontario et au Canada ne s’approvisionnent ou ne servent pas intentionnellement d’aliments locaux dans leurs menus. À l’aide de cet événement, l’équipe projet souhaitait entendre les perspectives d’agriculteur (trice) s de l’Ontario quant aux limites et aux opportunités qu’ils et elles vivent ou imaginent en travaillant avec des écoles. F2CC et les partenaires du projet ont développé une compréhension accrue de la perspective du milieu scolaire quant à l’approvisionnement local et la distribution. Toutefois, il s’agissait du premier événement dédié à entendre la vision des producteur(trice)s. 

L’objectif était de rassembler 10 à 12 agriculteur(trice)s de provenances différentes en Ontario et représentant des fermes de tailles et de régies différentes pour une première discussion visant à initier davantage de conversations et d’actions dans le futur.

  • La taille des exploitations des personnes participantes variait de ½ acre (0,2 hectare) à 1250 acres (506 hectares)!
  • Presque toutes les personnes participantes cultivent des fruits et des légumes et quelques-unes d’entre-elles se dédient à plusieurs types de productions, tels que les fleurs, les produits de pépinières, les produits animaux, l’acériculture, les grains et des produits à valeur ajoutée

Nous avons demandé aux personnes participantes de partager comment elles souhaitaient contribuer et pourquoi ce dialogue était important pour elles. Voici quelques réponses que nous avons retenues :

« C’est un sujet super important qui pourrait même ouvrir la voie vers la transformation des écoles en des incubateurs d’alimentation locale. L’alimentation scolaire peut catalyser le marché, la culture, l’éducation et les infrastructures nécessaires afin de développer l’approvisionnement local ».

« Je souhaite partager ma perspective de manière créative et apporter des idées novatrices afin de connecter les élèves aux aliments qu’ils et elles consomment, tirer parti des programmes d’alimentation scolaire et des liens entre l’agriculture et les matières enseignées dans le programme éducatif ».

« Notre ferme donne depuis plusieurs années au Student Nutrition Program. Ce partenariat est un succès, mais vient aussi avec ses défis. J’aimerais partager nos apprentissages pour informer d’autres fermes souhaitant bâtir des relations similaires avec des écoles et des organisations scolaires, telles que SNP ».

Expériences communes

Pour commencer, deux personnes participantes ont brièvement partagé leur expérience en approvisionnement local auprès de différentes écoles. 

La première personne, une porte-parole du Jardin de l’Université Trent, a réalisé une courte présentation en soulignant les défis rencontrés depuis le début de l’approvisionnement d’écoles de la maternelle à la 12e année (5e année du secondaire) en avril 2023. Elle mentionnait les livraisons bihebdomadaires réalisées auprès du Student Nutrition Program (SNP) et l’utilisation de l’emballage en gros. Quelques défis ont été mentionnés :

  • L’offre saisonnière
  • Les préférences des élèves
  • La quantité
  • L’intérêt à collaborer avec des producteurs locaux dans le cadre du programme

Un des éléments sur lesquels elle a mis l’accent était l’importance des espaces d’entreposage à l’école et la nécessité de produire des aliments faciles à entreposer, notamment des légumes racines.

Aussi, bien que l’Université de Trent fasse affaire avec un grossiste pour ses cafétérias principales, le Jardin de Trent est indépendant et fournit des aliments frais au Seasoned Spoon Café, un café végétarien/végan géré par les étudiants et disponible dans le forfait alimentaire étudiant.

Nous avons aussi pu discuter avec une productrice de pomme de Belleville, en Ontario, laquelle approvisionne des écoles depuis 25 ans. Grâce à l’aide de Cherie Hardie, Coordinatrice des aliments et de la logistique du Programme de nutrition scolaire de la région, l’agricultrice a pu collaborer avec Findlay Foods, un distributeur d’aliments locaux, sur une base hebdomadaire afin d’assurer les livraisons. Un élément intéressant soulevé par cette agricultrice est que les écoles représentent un marché intéressant pour les petites pommes, lesquelles ont une taille parfaite pour les enfants et qui n’auraient pas répondues aux exigences du marché.

Faits saillants des salles de discussion

La conversation a par la suite été divisée en trois salles de discussion modérées par les étudiant(e)s, afin de comprendre les limites et les opportunités associées aux partenariats avec les milieux scolaires. Les faits saillants de ces conversations ont été soulignés dans les prochaines sections.

Barriers
Opportunités

« Par le passé, j’ai souhaité offrir une grande quantité de choux à une école, afin qu’elle puisse faire du kimchi. Cependant, personne n’était intéressé. Ils ne savaient pas comment cuisiner ce légume… il semble manquer d’éducation à ce niveau-là ».

  • Le roulement important de personnel au sein de l’administration des écoles peut rendre le développement et le maintien des relations commerciales avec les écoles difficile pour les agriculteur(trice)s.
  • La faible constance des commandes, de la préparation et du service des aliments ajoute un poids administratif pour les agriculteur(trice)s.
  • La compréhension limitée de l’administration de l’école et du personnel quant à la disponibilité saisonnière des aliments
    • « Les gens souhaitent soutenir l’alimentation locale, mais ne comprennent pas nécessairement ce que c’est »
  • La capacité limitée des écoles à travailler avec des aliments crus et non transformés (ce qui pourrait être dû à l’accès aux infrastructures, le faible niveau de connaissances/compétences culinaires ou une combinaison de ces facteurs).
  • Même si les agriculteur(trice)s offrent des produits déclassés aux écoles, des coûts sont associés, ce qui peut représenter un défi pour les producteur(trice)s.
  • Les connaissances limitées du personnel des services alimentaires quant aux manières de préparer des aliments locaux. En ayant plus de connaissances, ils et elles seraient plus à même de rechercher des aliments locaux et saisonniers et arriver à générer l’enthousiasme des élèves envers l’alimentation locale.
  • Les écoles cherchent de la variété. Toutefois, la production d’une variété de fruits et légumes implique un travail supplémentaire pour les agriculteur(trice)s (p. e. comparativement aux monocultures). 
  • Les permis nécessaires à l’approvisionnement des écoles peuvent être dispendieux et hors de la portée des petites fermes (ex. HACCP).
  • Il manque de collaboration entre les écoles et les fermes locales. 
  • La logistique associée au transport peut être une charge importante à gérer, plus particulièrement entre des écoles individuelles et des agriculteur(trice)s. Les écoles n’ont pas nécessairement la capacité d’accepter des livraisons en gros. 
  • Les budgets alloués à l’alimentation scolaire ne permettent généralement pas d’offrir une compensation équitable pour des aliments locaux. Les coûts externes devraient être pris en compte au moment de l’achat auprès de producteur(trice)s locaux.

« Je ne cultive que la moitié de ce que je pourrais, parce que je ne suis capable de vendre ma production nulle part ».

  • Pour que les agriculteur(trice)s cultivent pour les écoles, ils et elles ont besoin d’un marché garantissant la demande, ce qui pourrait être atteint grâce à des contrats d’approvisionnement. Des montants minimaux de commandes pourraient être atteints grâce à la mise en commun des commandes de plusieurs écoles. 
  • Générer une prise de conscience et le développement des connaissances et des compétences chez les personnes administratrices des écoles sur les systèmes alimentaires locaux et la saisonnalité.
  • Intégrer l’étude des systèmes alimentaires au sein du programme éducatif afin de susciter l’intérêt et l’engagement des élèves quant à la consommation d’aliments locaux.
  • Offrir des opportunités aux élèves afin de connecter avec leur système alimentaire local, telles que des sorties scolaires à des marchés publics et/ou des fermes. 
  • Mettre l’accent sur des aliments pouvant être offerts à la collation, pouvant être entreposés et nécessitant une faible transformation (ex. pommes, carottes, concombres). 
  • Planifier : les agriculteur(trice)s et les écoles devraient travailler ensemble durant l’hiver/au printemps afin de planifier la prochaine année scolaire.
  • Utiliser des systèmes de commandes centralisés/régionaux en ligne afin de faciliter les liens entre les écoles et les agriculteur(trice)s. 
  • Engager des chefs ou des cuisinier(ère)s détenant les connaissances nécessaires pour cuisiner des aliments saisonniers et les rendre intéressants et délicieux, tout en maximisant les ressources disponibles. 
  • Une plateforme collective pour les petits agriculteur(trice)s pourrait aider à approvisionner des écoles et offrir une variété de produits intéressante, tout en favorisant une demande soutenue. 
  • Les produits ne respectant pas les standards des épiceries (ex. en raison de la taille) et qui n’auraient pas pu être vendus pourraient être vendus aux écoles à prix réduit. Cela permettrait aux agriculteur(trice)s de vendre une partie de leur production qui aurait autrement été compostée dans les champs, tout en offrant des prix avantageux pour les écoles. 
  • Des partenariats entre des commissions scolaires et des experts en logistiques, tels que SNO Food et Logistics Coordinators, pourraient rendre la tâche plus efficace pour les écoles et les agriculteur(trice)s.
  • Des partenariats avec des banques alimentaires locales et d’autres institutions au sein du système alimentaire local pourraient être mis en place afin de créer des plateformes alimentaires et de soutenir la distribution.
  • Plusieurs agences et/ou acteurs travaillant ensemble pourraient œuvrer à trouver du financement pour les plateformes collectives alimentaires.
  • Permettre la rencontre d’écoles et d’agriculteur(trice)s afin de permettre une meilleure compréhension mutuelle des difficitultés auxquelles chacun fait face pour favoriser la recherche collaborative de solutions.
Retour sur l’activité

À la suite des séances de discussions en groupes, chacun d’entre eux a réalisé un bref retour sur l’activité et des actions pour la suite ont été identifiées. La rencontre a pris fin sur une note positive. Les participant(e)s ont énoncé un désir collectif d’organiser davantage de conversations de ce genre et permettre la rencontre d’agriculteur(trice)s et d’écoles afin de bâtir des ponts. Pour faciliter ces activités et pour adresser les limites énoncées et les opportunités identifiées, un leadership régional et une plus grande coordination seront nécessaires.

Prochaines étapes :

  • Les agriculteur(trice)s seront connecté(e)s avec 14 personnes coordinatrices en alimentation et en logistique pour qu’ils et elles puissent explorer des opportunités de partenariats avec des écoles de leur milieu.
  • Les personnes organisatrices ont partagé des liens au réseau régional de Sustain Ontario, ainsi que la Carte de l’alimentation scolaire du Canada (dans laquelle les agriculteur(trice)s peuvent s’inscrire comme partenaire communautaire).
Pour en apprendre davantage sur ce projet