En plus d’établir des liens avec les fermes et les agriculteurs de la région, les écoles de l’archipel Haida Gwaii incorporent la chasse, la cueillette, le jardinage et les serres à leurs activités d’approvisionnement alimentaire. Dans un endroit où les aliments sauvages abonnent et la culture de festins et de partage de nourriture est au cœur des mœurs, cette idée est venue tout naturellement à l’esprit des îliens. Cet archipel isolé situé sur la côte nord de la Colombie-Britannique foisonne d’aliments sauvages : saumon, flétan, palourdes, morue, crabe, chevreuil, œufs de hareng sur varech, pieuvre, algues diverses, fruits de la ronce élégante et de la salal, airelle noire, chanterelle, pousses d’épinette, fleur de sureau, asperge de mer et bien plus. Les écoles profitent désormais de cette abondance en transmettant des connaissances sur les aliments, la nature et la culture tout en intégrant ces aliments aux repas servis dans les cafétérias.
Dans les écoles où la majorité des élèves proviennent de la Première Nation Haida, les aliments locaux traditionnels ne sont souvent pas à portée de la main. Pour manger localement sur les îles Haida Gwaii, il faut avoir un attachement personnel à la terre et à la mer, ou encore savoir où et quand obtenir les aliments locaux auprès des cultivateurs et des récolteurs. Il faut donc disposer de temps et d’énergie, deux éléments disponibles en quantité limitée dans le monde moderne des travailleurs et des écoliers. Le financement accordé pour le programme De la ferme à l’école a joué un rôle déterminant dans l’offre d’activités visant à mettre les élèves en contact avec la source de leurs aliments, une visite agricole ou forestière à la fois.
C’est en 2010 qu’on a préparé le terrain à ce récent virage permettant de renouer les liens avec les aliments sains locaux et la culture Haida. Grâce aux fonds consentis au niveau local et provincial pour la rénovation de cuisines, l’aménagement de jardins et de serres et l’achat de congélateurs, de hachoirs à viande et de machines à sceller sous vide, chaque communauté a pu à la fois produire et mettre en conserve les aliments qui seraient par la suite servis dans les buffets à salades De la ferme à l’école.
Une évaluation approfondie a été réalisée pour déterminer l’incidence de ce financement initial. Étant donné que chaque école crée son propre modèle en fonction de ses relations, de ses idées et de son point de départ, chacune a excellé dans un domaine différent. D’après les sondages et les entrevues, les élèves mangent plus de fruits et de légumes grâce au programme De la ferme à l’école. En fait, les élèves d’une école en particulier mangent trois fois plus de fruits et de légumes les jours où le buffet à salades est offert.
« Les gens trouvent que notre culture alimentaire disparaît dans nos institutions. Voilà pourquoi nous devons revenir à nos sources, là où les gens cultivent, récoltent, mettent en conserve, mangent et partagent des aliments locaux dans le cadre de programmes scolaires, comme l’indique la vision du Cercle d’apprentissage. Il s’agit simplement de revenir à ce que nous connaissons et d’inciter les enfants à nous suivre. » – Kiku Dhanwant, coordonnatrice du Cercle d’apprentissage, De la ferme à la cafétéria Canada
Un récent projet pilote De la ferme à la cafeteria appelé Laboratoire d’apprentissage et rebaptisé Cercle d’apprentissage sur l’archipel Haida Gwaii est devenu un mécanisme important permettant aux huit écoles îliennes de se réunir pour faire une mise en commun de leurs plans, difficultés et ressources en matière d’alimentation locale. Ce mouvement de rétablissement des liens avec la culture en passant par les aliments a ouvert la voie à des discussions concertées sur une vision et des objectifs clés (voir l’encadré). De nombreux champions – directeurs d’école, enseignants, agriculteurs, cueilleurs, spécialistes de la mise en conserve et jeunes – ont été mis à contribution et ce groupe est devenu un comité consultatif fort utile pouvant débattre et régler les enjeux de souveraineté alimentaire plus vastes auxquels sont confrontées les îles dans leur ensemble.
Lors d’un exercice de visualisation d’avenir tenu dans le cadre du premier Cercle d’apprentissage, le groupe s’est entendu pour dire que « si la question de l’argent ne se posait pas, les enfants mangeraient des aliments sains locaux à l’école cinq jours par semaine. De plus, les cours auraient pour but de faire sortir les élèves dehors et d’enseigner l’autosuffisance par l’agriculture, les techniques traditionnelles et la culture d’aliments dans les cours d’école ». Ces concepts et ces valeurs représentent le fondement de la vision et des objectifs que le Cercle d’apprentissage Haida Gwaii a établis et s’affaire à mettre en œuvre.
Les employés des écoles planifient désormais les menus en fonction de la disponibilité saisonnière des aliments. Même au mois de mars, quand il fait froid, on offre chaque jour au moins un aliment cultivé ou récolté à Haida Gwaii. Pour garnir les garde-manger, les élèves et les membres du personnel préparent de grandes quantités de salsa, de sauce tomate, de bouillon de légumes et de confitures. De plus, ils déshydratent des champignons, font blanchir et congeler des légumes-feuilles et d’autres légumes et font fumer et congeler du poisson. La mise en conserve d’aliments à grande échelle est la seule façon d’assurer un approvisionnement en aliments locaux durant toute l’année dans le Nord. C’est pourquoi le Cercle d’apprentissage joue un rôle de premier plan dans l’établissement de garde-manger locaux sur les îles afin d’assurer que les écoles peuvent acheter des aliments locaux de bonne qualité tout au long de l’année.
Grâce aux initiatives scolaires faisant appel aux aliments locaux, les élèves découvrent tous les aspects du cycle de la nourriture, à partir de la chasse jusqu’au festin. Par exemple, dans le cadre d’un atelier sur la préparation de samosas tenu à l’école secondaire George-M-Dawson, les élèves apprennent non seulement à cuisiner des mets exotiques et savoureux, mais aussi à retracer le parcours des aliments qui les composent. En préparant les samosas avec la viande du chevreuil que d’autres élèves avaient chassé, les chanterelles qu’ils avaient cueillies et mises en conserve et le chou frisé qu’ils avaient cultivé dans le jardin scolaire, les élèves ont découvert toutes les étapes nécessaires pour faire passer les aliments locaux de la source à la table.
Pour intégrer ces enseignements au programme d’études et transformer les méthodes d’approvisionnement alimentaire, il faut de l’argent et de solides relations scolaires-communautaires. Le financement récemment consenti pour l’embauche d’une coordonnatrice du Cercle d’apprentissage a fourni le pouvoir de mobilisation nécessaire pour établir et maintenir ce dynamisme. Apparu au moment opportun, il a aussi renforcé les résultats obtenus grâce à des subventions antérieures pour la constitution d’une équipe, la planification, l’achat de matériel pour les cuisines et les jardins, le transfert et l’échange du savoir et l’évaluation. Tous ces éléments ont été essentiels pour passer d’une culture alimentaire « de tous les jours » à une culture « De la ferme à l’école » et finalement à un patrimoine culturel plus pertinent et célébré que les gens de Haida Gwaii appellent désormais « Local foods to school » (Des aliments locaux à l’école).
Pour en savoir plus :
Farm to School Haida Gwaii :
www.facebook.com/farmtoschoolhaidagwaii (en anglais)